Accabadora

Michela Murgia

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  • Conseillé par
    13 mai 2016

    Fill'e anima...Tel est le lien de parenté qui unit Maria Listru à Bonaria Urrai. En Sardaigne, la fill'e anima est une fille née des entrailles d'une première mère trop pauvre pour subvenir à ses besoins et de l'âme d'une seconde qui n'a pas eu la chance d'enfanter. La tzia Bonaria, veuve de guerre avant même d'avoir été mariée, issue d'une riche famille du village, est déjà une vieille dame quand elle accueille Maria, la dernière-née des Listru, une gamine de 6 ans dont le père est mort depuis longtemps. C'est sans regret que la fillette quitte sa famille pour une nouvelle vie qui lui apporte l'aisance matérielle, l'éducation et la complicité avec la tzia.
    Pourtant, la vieille dame lui cache des choses, notamment ses sorties nocturnes qui restent taboues malgré les questions de la petite.
    Plus tard, Maria saura, par Andri son meilleur ami que Bonaria Urrai est l'Accabadora du village, celle qui aide les âmes à quitter ce monde.

    Avec Accabadora, Michela Murgia nous plonge dans la Sardaigne des vieilles légendes, des rites ancestraux, des villages reculés.
    La très belle tradition des fillus de anima est ici racontée dans toute sa simplicité, simple échange de bons procédé entre deux femmes pour le bien d'une enfant qui a tout à y gagner. Contestée à demi-mots par l'institutrice du village, une ''étrangère'' du continent, cette coutume permet à la petite Maria, de trouver un nouveau foyer, sans pour autant être coupée de sa famille d'origine. Les liens qui se tissent entre elle et sa seconde mère n'ont que faire de la généalogie ou du sang, un rapport de confiance et de bonne entente, un amour trop pudique pour être dit avec des mots. Le point de discorde viendra d'une autre tradition ancestrale, celle de l'Accabadora, une ombre noire qui se glisse nuitamment dans les maisons du village pour recueillir le dernier souffle des mourants. Crainte et respectée, l'accabadora est la ''dernière mère'', celle qui aide à mourir. Maria, jeune et fougueuse, ne peut accepter cette pratique qui lui fait horreur et fuit le village et la tzia sans se retourner. Pourtant, sans le savoir, elle a été initiée au don de la mort et, le moment venu, pourrait bien recourir à ce qu'elle a rejeté...
    Un très beau roman qui parle d'adoption et de transmission avec poésie et retenue. Michela Murgia partage un peu de sa belle Sardaigne, secrète et méconnue avec un lecteur emporté par la chaleur et les mystères sardes. Fort et sensible.


  • Conseillé par
    29 octobre 2012

    Fillus de anima.
    C'est ainsi, qu’on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d'une femme et de la stérilité d'une autre. De ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l'âme de Bonaria Urrai.

    Premières phrases de ce roman qui laissent échapper un parfum de poésie. Les années cinquante, Soreni, village ancré dans la terre de Sardaigne où les habitants sont attachés aux traditions, à certaines coutumes accomplies depuis toujours. Des rites inscrits dans le mode de vie. Ainsi quand la mère de Maria donne ou échange sa cadette de six ans à Tzia Bonaria Urrai, Maria devient " Fill'e anima". La fillette obéit et quitte un foyer sans argent pour s’installer chez Tzia Bonaria.

    Femme âgée, toujours vêtue de noir et officiellement couturière, drapée dans un veuvage avant même un mariage et un ventre qui n’aura jamais porté d’enfant. Elle se charge d’élever Maria, lui ouvre l’accès à l’instruction par l’école. Une nuit, Maria surprend Tzia Bonaria partir et s’absenter de longues heures. A sa question, Maria n'aura pas de réponse. Maria est heureuse chez Tzia Bonaria et si les mots mère ou fille ne sont pas prononcés, une relation très forte les unit. Lors de certaines occasions, Maria voit sa mère naturelle et ses sœurs mais son son amour va à Tzia Bonaria.
    Un jeune homme amputé d'une jambe demande de l’aide à l’Abaccadora, Tzia Bonaria poursuit ses mystérieuses sorties nocturnes... Je n'en dis dirai pas plus sur cette histoire, ni qui est vraiment l'Abaccadora et son rôle.

    Un livre lu en apnée, ferrée par le talent de conteuse de Michela Murgia qui nous entraîne dans une Sardaigne proche de celle de Milena Agus où les coutumes rythment la vie.
    Les relations entre Maria, sa mère naturelle et Tzia Bonaria qui a le droit de douter de sa place affective dans ce triangle sont décrites avec beaucoup de pudeur et en finesse. Ajoutez-y la transmission sous toute ses facettes, une écriture empreinte de poésie et d’une délicate richesse… que demander de plus pour passer un très, très bon moment ?


  • Conseillé par
    27 septembre 2012

    A lire absolument !

    Accabadora est un roman profond.

    Il raconte les traditions qui vibrent au coeur des villages sardes, des non-dits et des difficultés humaines à aborder des sujets comme la mort.

    Un livre qui se lit en toute simplicité, comme une jolie histoire, mais qui résonne à l'intérieur de l'âme parce que tout un chacun se pose - ou se posera - un jour où l'autre des questions sur le passage de l'autre côté.

    C'est le récit d'une Sardaigne dont l'univers est la pauvreté, l'Église, la terre, la famille ; tout ce qui forge les hommes ; où la ruse et les sorts ont plus de pouvoir que la justice.

    Mais si ce livre possède un rien de magique c'est également parce que Maria ne peut laisser personne indifférent. Dans sa découverte de la vie, d'abord dans son village puis loin dans la grande ville, elle apprendra que rien n'est aussi simple qu'il y parait, que chaque être possède en lui quelque chose de puissant qui le relie à l'existence. Elle découvrira aussi l'attachement, l'amour.

    Le récit se déroule dans les années 50 mais il y a fort à parier que nombreuses sont les coutumes qui perdurent encore aujourd'hui.

    A la fois conte et roman d'apprentissage, Accabadora est troublant, lumineux, poétique et émouvant.

    http://isabelle-passions.over-blog.com/article-accabadora-michela-murgia-110588131.html